Apport de l'EMV à la Passion du Seigneur

Dans nos très saints évangiles canoniques Jésus ne se livre qu'au travers du regard contemplatif de ses évangélistes, ce qui fait dire à Bultman, bien à tort d'ailleurs, que ces écrits, s'ils sont assurément un témoignage de leur foi, ne sauraient nous dire grand chose de réel, d'"historique" au sens qu'il donne à ce terme.

L'EMV a cette particularité de sembler échapper à cette critique bultmanienne très chère aux "modernes" qui en fait n'en sont point vraiment (Cf Nous n'avons jamais été modernes de Bruno Latour). En effet l'écrivaine M.V. est immergée dans des scènes évangéliques d'une certaine manière comme le furent 3 des 4 évangélistes d'antan; sur ce point elle leur ressemble quelque peu.

Mais aussi, mais surtout, très souvent Jésus l'arrête dans son élan descriptif pour prendre lui-même la parole et dicter ce qu' Il a à nous exprimer, en fait à nous REVELER. Dans les 4 évangiles canoniques ce dernier point ne s'observe pas du fait que dans tout ce qui s'y trouve et que nous considérons INSPIRE rien n'y est dicté par Jésus lui-même, absolument rien.

C'est sans doute l'une des multiples raisons qui incita le Seigneur à vouloir réaliser avec l'aide de M.V. le "Poème de l'Homme-Dieu", lui permettant enfin d'exprimer certaines choses qui lui tenaient particulièrement à cœur et que ne pouvaient nous dire nos évangélistes qui d'ailleurs le reconnaissent fort humblement.

Dans le Tome 10 de l'EMV Jésus nous raconte lui-même sa passion et ç'est là qu'on voit toute la différence entre une passion relatée par des observateurs plus ou moins participants, les apôtres dont le DBA très proche du Seigneur et une passion racontée de l'intérieur même du sujet sacrifié; entre les deux, au risque de profondément choquer le lecteur chrétien traditionnel si pieux soit-il, c'est le jour et la nuit!

On n'est pas du tout devant le récit d'une Maria V. fournissant un peu comme les évangélistes d'autrefois sa propre version de ce qu'elle perçoit en tant que visionnaire; on est devant un Seigneur Jésus qui se lâche littéralement, qui nous livre "ses tripes" pour user d'un langage quelque peu vulgaire, son intériorité, son dramatique vécu d'Homme-Dieu
comme Il ne le fit jamais expressément, à notre connaissance, dans les 2 derniers millénaires.

Et alors qu'apprend-t-on dont nous n'avions pas vraiment conscience? Que la sueur de sang, peut-être unique dans les annales de l'histoire humaine universelle, est à associer à un risque de dépersonnalisation proprement terrifiant, à une sorte de vécu dissociatif dans lequel l'Homme-Dieu cesse momentanément de s'éprouver Dieu, Verbe, Logos, Fils du Père. Il expérimente quelque chose qu'il n'avait jamais éprouvé: la coupure telle une séparation d'avec le Père.

Dans notre Sainte Mère l'Eglise on n'en n'a encore jamais parlé, semble-t-il au plan contemplatif, spirituel, fascinés surtout par les souffrances paroxystiques physiquement endurées. Là, pour la première fois dans l'histoire humaine, l'Homme-Dieu nous ouvre le sanctuaire de sa psychologie humano-divine comme il ne le fit jamais de mémoire d'humain.

C'est complètement différent de ce qu'on appelle à juste titre la "Kénose" théologiquement bien connue et çà réclamerait un qualificatif analogue que nous laissons le soin au Forum "inspiré" de trouver s'il lui plaît, si toutefois le cœur lui en dit!

Cette redoutable épreuve intime dont Jésus nous livre la mémoire et le secret dans le Tome 10 de l'EMV prend fin à la venue de l'ange consolateur. A suivre, frères!...
Bien Aimé

@Elie Sorlin,

Permettez-moi une précision méthodologique, et excusez-moi de ne pas m'attarder plus sur les souffrances rédemptrices de Notre Seigneur, qui mériteraient des heures de contemplation.

 Le mot historique peut renvoyer à plusieurs sens. Dans le premier est ce qui appartient au récit des évènements passés, et en ce sens, je crois que l'EMV peut prétendre à être historique au vu des nombreux éléments conformes. Dans un deuxième sens, est historique ce qui correspond à la méthode de la science qu'on appelle l'Histoire, et en ce sens l'EMV ne peut pas être historique car ce n'est pas un témoignage d'époque, mais un témoignage plus tardif qui se repose sur des faits mystiques. Selon ce deuxième sens, les historiens disent : "Jeanne d'Arc a cru entendre des voix, et les autres le croyaient aussi", et ils vous expliqueront fort bien comment les rapports se sont construits autour de cela, mais ils ne se prononceront jamais sur la vérité ou non de ses auditions, parce que ce n'est pas leur rôle. Par conséquent, les évangiles canoniques sont historiques, parce qu'ils sont le récit de témoin réels, selon ce que dit St Jean dans sa première lettre ("ce que nous avons vu du Verbe de Dieu, nous vous l'annonçons"), en revanche l'EMV ne peut pas prétendre à être historique dans ce 2e sens, car elle repose sur un témoignage d'un réalité intérieur, dont seule MV a pu être témoin. L'EMV peut néanmoins guider la recherche historique d'une manière très fort, selon le principe d'unicité de la vérité et de complémentarité des sciences. En effet, le vrai ne peut contredire le vrai, et ainsi ce qui est vrai dans une discipline, peut conduire une autre discipline à progresser, et c'est d'ailleurs l'une des finalité de l'EMV : nous permettre de nous replonger d'une manière presque cinématographique dans les évènements de l'époque. On peut donc le dire, Bultmann a vraiment tort de négliger la valeur historique des quatre évangiles canoniques.

Sinon, merci d'avoir souligné que Jésus parle des souffrances de sa Passion au Tome 10, à partir de son propre point de vue, je n'avais pas réalisé que cela avait une valeur équivalente à une dictée sur la Passion. Je vais donc ajouter ce passage à la liste des textes que je tiens à disposition pour méditer sur la Passion le vendredi. Merci !